Chers Invités, Chers Amis,
Je tiens tout d’abord à vous remercier de votre participation à cette soirée mémorielle qui entend rappeler l’une des pages les plus sombres de l’histoire moderne de l’Azerbaïdjan. Le 26 février marque chaque année dans notre pays “ le jour du génocide de Khodjaly”.
« La douleur est toujours moins forte que la plainte », écrit Jean de La Fontaine, poète et moraliste français célèbre. En réalité, notre douleur est aussi vive que notre plainte, 26 ans après.
Il y a 26 ans, dans la nuit du 26 février 1992, les forces armées arméniennes attaquaient la ville de Khodjaly, ville de sept mille habitants. Elles y commettaient un crime de masse contre les civils azerbaïdjanais. Les habitants, qui tentaient d’échapper à l`assaut, trouvaient la mort dans des embuscades tendues sur les routes et dans les forêts par les militaires arméniens. Les forces d'occupation massacraient ainsi sans la moindre pitié 613 civils, parmi lesquels 106 femmes, 63 enfants et 70 vieillards. Lors de ces événements, 1275 personnes étaient retenues captives et prises en otage. Le sort de 150 d’entre elles reste d’ailleurs inconnu à ce jour.
De plus, les militaires arméniens non contents d’avoir tué, se livraient à des actes de barbarie sur les cadavres de civils tués. Beaucoup de corps, y compris des corps de femmes et d'enfants, portaient des blessures à l’arme blanche, certains des brûlures.
Khodjaly est l’un des rares cas de l'Histoire où l'auteur lui-même reconnaît son implication directe et sa responsabilité dans le crime perpétré à l’égard de civils. L’actuel Président de l’Arménie, lui-même, a ouvertement reconnu le rôle de l’armée arménienne dans ce crime.
Lors d’un entretien avec le journaliste britannique Thomas de Waal, qui l’a ensuite publié dans un livre en 2003, il déclare : «Avant Khodjaly, les Azerbaïdjanais pensaient que des Arméniens ne lèveraient pas la main sur les civils. Mais nous avons réussi à briser cette croyance".
Une telle déclaration a valeur d’aveux irréfutables.
L’ampleur et la nature des crimes commis en ce lieu contre la population civile azerbaïdjanaise, ont conduit les parlements de 15 pays, dans les années 2010-2018, ainsi que 24 Etats américains à condamner ces événements en les qualifiant de «carnage massif» et « crime contre l’humanité». Les crimes perpétrés par le pouvoir arménien à l’encontre du peuple azerbaïdjanais sont également condamnés par l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe. Le 26 janvier 2012 cette Assemblée a même adopté une déclaration condamnant le génocide de Khodjaly et a exhorté d’autres organisations internationales à qualifier à leur tour juridiquement ces événements.
Aussi, puis-je légitimement espérer que le Parlement français participe à cette campagne internationale et ne renonce pas à donner une juste qualification politique et juridique à ces crimes atroces perpétrés dans cette ville. Nous comptons sur le soutien de la France, pays qui depuis toujours se distingue par une forte conscience démocratique et une opinion publique engagée.
Mais comment cette tragédie a-t-elle été rendue possible ? D'une part, elle était le résultat logique de la politique et l'idéologie basée sur la xénophobie et le nationalisme agressif. D'autre part, tous les crimes de guerre commis contre le peuple azerbaïdjanais, perpétrés par des bandes armées arméniennes depuis le début de 20 siècle, sont restés impunis. Impunis parce que totalement ignorés de la communauté internationale, jusqu’à ce jour d’ailleurs.
Pour cette raison, en mai 2008, la campagne « Justice pour Khodjaly » a été lancée pour informer et initier une prise de conscience de la communauté internationale sur cette tragédie.
Il s’agit désormais de faire condamner ces crimes contre les civils azerbaïdjanais et d'obtenir des évaluations politiques et juridiques de ces événements de la part des gouvernements et des parlements des pays du monde.
Il s’agit aussi d'informer sur les causes de cette agression de l’Arménie contre l’Azerbaïdjan, qui a eu pour résultat l’occupation de près de 20% du territoire de notre pays.
Cette campagne n'est pas l'appel à la vengeance. Au contraire, elle a pour objectif de parvenir à une résolution rapide et pacifique du conflit. La paix ce n’est pas l’absence de guerre, c’est avant tout la présence de justice. Sans justice pour nos morts, pour nos terres la paix reste donc en suspens.
Cette campagne internationale vise aussi à honorer la mémoire de tous les innocents morts et torturés. Cette démarche a valeur d’exemple pour tous les peuples du monde car de tels crimes ne doivent pas rester impunis. Que des tragédies comme celles de Khodjaly ne se répètent plus.
Chers amis,
Aujourd'hui, les droits de l’homme sont une préoccupation permanente dans la gestion politique et diplomatique de nombreux pays. Nos morts n’ont pu bénéficier de ces droits pourtant élémentaires, et nous ne pouvons aujourd’hui que leur rendre hommage, honorer leur mémoire.
Comme l'a si bien écrit Henri-Frédéric Amiel (le 19 juin 1851), écrivain francophone célèbre d'origine suisse, "La mémoire fait partie de notre être: oublier, c'est mutiler son âme, c'est dessécher son cœur ; oublier c'est cesser d'être homme.”
Mais nous, nous tous, il nous appartient de rester "homme".